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pittoresque. Des rochers. Un lac. Une chaumière. Au fond, dans
le lontain, le château de Douglas.
Scène
première
Le jour commence à poindre. Des soldats blessés et des
montagnards, dernier débris de larmée écossaise,
sont groupés ça et là;
ils attend en silence, et regardent au loin avec anxiété.
Roberto Bruce paraît sur un sentier éléve, dans
les rochers.
Les Écossais, lapercevant, sécrient avec joie:
Les Écoissais (allant au-devant de Bruce, qui a descendu le chemin pratiqué
dans les rochers)
Robert! Robert! mille angoisses mortelles
Déjà nous avaient assaillis,
Enfin, nous voilà réunis!
Bruce De notre Écosse amis fidèles,
Demain vos maux seront finis.
Les Écoissais (avec découragement)
Hélas! plus despérance!
Du ciel cest le courroux!
Après tant de souffrance
Lespoir fuit loin de nous.
Bruce Quoi! renoncer à la vengeance,
Quand Robert Bruce est avec vous!
Les Écoissais Sans toit, sans pain et sans patrie,
Errant, vaincus, proscrits,
La foi dans notre âme est taire,
Le ciel nous a maudits!
AIR
Bruce Eh quoi! chez vous, la crainte!
Chez vous, leffroi, la plainte!
La flamme est-elle éteinte
Déjà dans tout les curs
Brisés par les douleurs?
Jette sur leur souffrance
Un regard de clémence,
O divin protecteur!
Viens rendre à leur
vaillance,
La force et la constance!
LÉcosse à ta puissance
Devra la gloire et la bonheur.
Un soldat (signalant Douglas quil voit savancer)
Douglas!
Bruce (avec joie)
Douglas!
Scène
deuxième
Les précédents, Douglas, entrant avec quelques guerriers
Douglas Prêts pour la guerre,
Nous voici tous!
Sous ta bannière,
Roi! guide-nous!
(Bruce serre la main de
Douglas et le montre comme un exemple à ses soldats, qui, ranimés,
sécrient avec lui.)
Sous ta bannière
Roi! guide-nous.
ALLEGRO DE LAIR
Bruce Pour de nouveaux combats
Viens, peuple, armer ton bras!
Viens, las de tes revers
Briser tes fers!
Jentends, patrie,
Ta voix chérie;
Elle me crie:
Sois mon sauveur!
Ou martyr ou vainqueur!
Douglas A ma chérie Marie, à ma fille, jespère,
Mon message parviendra.
Une barque au château bientôt nous conduira;
Goûtons-y quelques jours un repos nécessaire.
Bruce Et de lÉcosse après, relevons léntendard.
(On entend une fanfare
dans la lointain.) Douglas
Quel est ce bruit?
Les Écossais Quel danger nous menace?
Ce sont eux! les Anglais!
Douglas (écoutant)
Des fanfares de chasse!
Bruce Linsolent Édouard!
Sa victoire lenivre,
Au plaisir il se livre.
Douglas Dispersons-nous, sans retard.
Vous, sire, attendez la nacelle
Avec moi, chez Dickson, un serviteur fidèle.
(aux Écoissais)
Vous, gagnez lautre bord, dans peu nous y serons.
Bruce Dieu vous garde! A bientôt, mes nobles compagnons.
(Les partisans de Bruce
se disperdent dans les rochers. Bruce et Douglas entrent dans la chaumière.
Le bruit de la fanfare sest rapproché de plus en plus.)
Scène
troisième
Arthur, Morton et des chevaliers anglais
Les chevaliers (applant avec inquiétude)
Lancastre! Lancastre! où peut être
Le roi notre maître?
Loin de la chasse,
Perdre sa trace!
Par son audace
Nous désoler!
Seul, il sélance,
Il nous devance,
Son imprudence
Nous fait trembler.
Pour notre maître,
Ah! craignons tout.
Bruce est peut-être
Encor debout.
Morton Non, sa défaite
Fut trop complète
Pour son parti.
Quelques chevaliers Par cette querre,
Il est, jespère,
Anéanti.
Arthur Jai lassurance
Que pour la France
Bruce est parti.
Tous Au loin, sans doute,
Chasse Édouard;
Mais je redoute
Le montagnard.
Dieu, que je prie,
Garde le roi,
Sauve sa vie,
Vois notre effroi.
Que dans lespace
Sonne le cor;
Nous, vite en chasse,
Chercherons encor!
(Morton séloigne
avec les chevaliers)
Scène
quatrième
Arthur, resté seul
Arthur Marie! à ce doux nom comme mon cur
palpite!
Le voilà donc le château quelle habite!
Ce lac dont les échos redisaient autrefois
Ces chant damour où se mêlait ma voix!
Quand je combats pour le roi dAngleterre,
Comblé de ses faveurs, par lui fait chevalier,
Marie, hélas! je ne suis pour ton père
Quun ennemi que tu dois oublier.
Esclave de lhonneur, mais à lamour fidèle delle.
(il séloigne tristement)
(Un barque paraît
sur le lac; elle porte Marie et Nelly. Elles abordent, Nelly entre dans
la cabane de Dickson, sur un signe de Marie.)
Scène
cinquième
Marie, seule
CAVATINE
Marie Calme et pensive plage,
Beau lac, miroir des cieux,
Rocher, désert sauvage,
Témoin de nos adieux!
Tout ici me rappelle
Les jours de mon bonheur;
Rêve fidèle!
Bercez mon triste cur!
Amour! ô sainte flamme!
Que Dieu davait bénir,
Croyance de mon âme,
Pourrais-je te bannir?
Tout ici me rappelle
Les jours de mon bonheur;
Rêve fidèle!
Bercez mon triste cur!
Scène
sixième
Marie, Arthur
Marie (avec un élan de joie, à la vue dArthur)
Arthur!
Arthur (avec amour)
Marie!
Marie (à part, avec un effroi subit)
O ciel!
Arthur Est-ce moi qui fais naître
Votre effroi?
Marie (à part, inquiète)
Si mon père...
Arthur Ah! cet accueil glacé...
Faut-il donc croire, hélas! ce qui mest annoncé,
Quun autre hymen... un autre amour peut-etre!...
Marie Et cest vous qui doutez de moi,
Vous pour qui la main de Marie
Eut moins de prix que la faveur dun roi!
Arthur Non, jobéis aux lois de la chevalerie.
Combattant par devoir dans les rangs des Anglais.
Marie Vous rendez notre hymen impossible à jamais.
DUO
Arthur Moi te perdre! arrêt funeste!
Seul au monde, hélas! je reste.
Marie Vaine plainte! amor funeste!
Vains regrets! le deuil me reste.
Marie et Arthur Cen est fait! le sort enlève
Tout espoir à notre amour.
De mon âme le doux rêve
Mabbandonne sans retour.
(Une cloche sonne au loin
et lon entend un chur
de jeunes filles.)
Chur A la prière
Viens ce matin,
Peuple; révère
Saint Valentin!
Cest lui qui donne
Les jours hereux,
Lui qui pardonne
Et prie aux cieux.
Marie Entendez-vous?
Arthur De la chapelle
Cest la cloche.
Marie Je me rappelle...
Une fête... séparons-nous.
Arthur Un seul instant daigne mentendre!
Marie Ici mon père doit se rendre...
Arthur Par grâce!
Marie Il pourrait nous surprendre.
Craignez son courroux,
Éloignez-vous! éloignez-vous.
Arthur Fermer ton âme à ma prière!
De ta présence, hélas! toi me bannir!
Marie Au nom du ciel! je crains mon père,
A chaque instant il peut venir.
Arthur Sa haine désole ma vie.
Marie Cest toi-même qui las flétrie!
Lespérance nous est ravie.
Arthur Je ne puis vivre sans te voir.
Marie Lamour doit céder au devoir.
ENSEMBLE
Marie Va! dun père,
Fuis la colère!
Tout sur la terre,
Oui, tout nous a menti.
A ma misère
Son âme altière
Na jamais compati.
Arthur Va! dun père,
Crains la colère!
Tout sur la terre,
Oui, tout maura menti.
A ma misère
Son âme altière
Na jamais compati.
Scène
septième
Marie, Arthur, Douglas, Bruce, caché sous le tartan dun
montagnard.
Douglas (sortant de la chaumière)
Ciel!
Bruce (voyant Arthur)
Un anglais!
Douglas Arthur!
(à Bruce)
Il ne vous connaît pas,
Sous le nom de Dickson, sire! suivez mes pas.
Arthur (apercevant Douglas)
Douglas!
Marie Mon père! ah! ce regard sévère
Sur moi peut tomber sans colère.
(montrant Arthur)
Le hasard seul la conduit en ce lieu.
Arthur Pour entendre un dernier adieu.
Douglas (à Arthur)
Elle tamait; dune heureuse alliance
Javais longtemps moi-même approuvé lespérance;
Mais tu viens de la voir pour la dernier fois.
Seul digne delle, au sein de sa patrie,
Un autre hymen attend Marie.
Dun autre époux pour elle jai fait choix.
Arthur Mais dÉdouard, tout subit la puissance,
Et si Robert, par le nombre vaincu,
Avec la paix nous rendait lespérance...
Douglas Alors Douglas aurait vécu.
Marie
(à part)
Fatal honneur!
Douglas
Adieu! dis à ton maître
Que malgré nos revers, un jour... bientôt... peut-être,
An combat nous nous reverrons.
(à Bruce)
Et maintenant, Dickson, ta barque est là, partons.
(Bruce, Douglas et Marie
montent dans la barque. Arthur fait quelques pas vers eux, puis séloigne
avec désespoir. Nelly sort de la chaumière et suit des yeux
la barque qui disparait. On entend une ritournelle joyeuse. Nelly
revient au-devant de Dickson, qui parait sur le seuil de la chaumière.)
Scène
huitième
Nelly, Dickinson; jeunes filles et garçons du village.
Nelly
Ce sont les clans de la montagne.
Chaque amoureux vient avec sa compagne
Célébrer ce matin
La fête de saint Valentin.
Les jeunes filles La danse nous appelle,
Accours, amant fidèle;
Voici ce jour si doux,
Si beau pour nous.
Des filles du village
Accepte ici lhommage,
Grand saint, bénis nos jeux,
Reçois nos vux!
Nelly
(à part)
Doù vient que la tristesse
Se mêle à mon ivresse?
Je songe à ma maîtresse,
Mon cur
nest plus joyeux.
Dickson
(à part)
Laissons à la jeunesse,
Les courts instants divresse:
Trop tôt vient la tristesse,
Enfant, soyez heureux.
Les jeunes filles La danse nous appelle,
Accours, amant fidèle;
Voici ce jour si doux,
Si beau pour nous.
Dickson Que lon ouvre la danse.
Nelly
Avant quelle commence,
De la Saint-Valentin,
Avec moi, mes amis, répétez le refrain.
COUPLETS
I Alerte, fillette!
Celui qui te guette
Dans lombre discrète,
Attend sa conquète.
Le jour vient de naître,
Cours à ta fenêtre,
Si tu veux connaître
Lamant
Le plus aimant.
II
Il faut, ô ma belle,
Pour dautres rebelle,
Voiler ta prunelle,
Et rester fidèle.
Car cette journée
A lui ta donnée;
Il est pour lannée
Enfin
Ton Valentin.
DANSES
Scène
neuvième
Les précédents, le roi Édouard, Arthur et toute
la chasse
Édouard
Pourquoi cesser vos jeux? porquoi soudain vous taire?
Édouard dAngleterre
Nest pas lennemi du plaisir.
AIR
La gloire est belle,
Mais jaime mieux quelle
Livresse du plaisir.
Oui, jaime livresse
Quexcite sans cesse
La flamme du désir.
Un jour, si le trône
Mest ôté,
Je veux pour couronne,
Volupté! Le lys dont se blasonne
Le sein de la beauté.
Arthur
(à part)
Douglas a disparu, je tremble pour sa tête.
Édouard
Pour vous, mes chevaliers, cette nuit, grande fête
au château de Stirling, où je fixe ma cour.
Dickson
(à part)
LEcosse aura son tour.
Scène
dixième
Les précédents, Morton
FINAL
Morton
Sire! Douglas le Noir, dont le château sélève
Sur lautre bord du lac...
Édouard
Douglas le Noir! achève!
Morton
Douglas était ici ce matin.
Nelly, Arthur
et Dickson
(à part)
Juste Dieu!
Édouard
(aux Écossais)
Est-il vrai? Répondez ou craignez ma colère!
(Tous gardent le silence)
Si vous persistez à
vous taire,
Les tortures sauront mobtenir un aveu.
Morton
Parlez, race indocile.
Édouard
De lor, de lor, à qui livre Douglas!
Dickson
Chez nous le sang ne se vend pas.
Édouard
Eh bien! la mort à qui lui donne asile.
Les Écossais Mon Dieu! tu nous protégeras.
Édouard et Morton
Ah! pour lui point de clémence!
Sil me brave en sa démence,
Mon épée et ma vengeance
Lui feront subir ma loi.
Nelly, Dickson
et Arthur
O céleste Providence,
Fais quil trompe sa vengeance,
Et mon âme espère en toi!
Édouard
(à Arthur)
Va! que ton zèle
Nous délivre du rebelle,
Aux créneaux de sa tourelle,
Que le traître soit pendu!
Arthur
(à part)
Ordre funeste! hélas! Dans ce péril que faire?
Édouard
Arthur! point de merci! va! tu mas entendu!
Les Anglais La guerre! La guerre!
Arthur
(à part)
Marie! hélas! comment sauver ton père?
Si jhesite il périra.
Morton
Ah! sa perte enfin sapprête.
Édouard
(à Arthur)
Va, rapporte-moi sa tête,
Ou la tienne en répondra.
Arthur
Je tremble, hélas! quel arrêt sanguinaire!
Me choisir, moi! pour servir sa colère!
Ah! prends pitié, mon Dieu! de ma misère!
Pauvre Marie!
Sur ta tête chérie
Je vois la mort.
Édouard
Mon bras sur toi va lancer le tonerre;
Le fer, le feu, les bourreaux et la guerre,
Tout va servir encore à ma colère.
Dans ma main jai ton sort,
Race maudite,
De qui lorgueil mirrite!
Á toi la mort!
Nelly, Dickson
et les Écossais
Mon Dieu! punis loppresseur sanguinaire!
Ah! fais gronder sur son front le tonnerre!
De lÉcossais, mon Dieu, vois la misère;
Prends pitié de son sort.
Vois ses alarmes,
Dun peuple vois les larmes!
Veux-tu sa mort?
Morton et les Anglais
Du roi le bras va lancer le tonnerre.
Sur eux fondront tous les maux de la guerre.
Rien ne pourra désarmer sa colère.
Du vaincu cest Le sort!
A lui les larmes!
Quil redoute nos armes;
A lui la mort!