Acte deuxième

Scènes 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9






Une salle dans le château de Douglas. Sur une table se trouvent un manteau et un casque surmonté d’une branche de chène.


Scène primière
Marie est assise, plongée dans la tristesse; Douglas sort d’un appartement latéral
.



RÉCITATIF ET AIR

Douglas
Le roi sommeille. Allons lui chercher des vengeur...
(il aperçoit Marie et s’approche d’elle)
Je vais de notre cause armer les défenseurs,
Marie, en mon absence,
Je te laisse le soin de veiller sur le roi.
Tu pleures!.. Et c’est moi
Qui causes ta souffrance!
Mais il le faut. Puis-je donner ta main
A l’ingrat qui combat pour le roi d’Angleterre,
A celui qui demain
Peut verser le sang de ton père?

Que ton cœur,
O ma fille! pardonne
La douleur
Que ton père te donne!
C’est l’honneur
Qui prescrit ma rigueur.

Au combat quand son roi le rappelle,
Tout soldat doit s’attendre à mourir.
Au devoir, mon enfant, sois fidèle;
Que je puisse en partant te bénir.

(Douglas sort, après avoir embrassé Marie)



Scène deuxième
Marie, seule


Marie
Oh! noble père! oui, de l’honneur
C’est le langage;
Lui-même il pleur en parlant de courage.
Pour le malheur,
Ah! j’étais née.
Quand la vicitme est condamnée,
Quelle espérance, au fond de ma douleur,
Aux pleurs que je dévore,
Se mêle encore?

AIR

Amour, ô chaste flamme!
Brûle en secret mon âme.
Arthur! je t’aime! à toi, mon c
œur, mes jours.

Il faut, ô mon idole!
Que mon amour s’immole;
Mais mon âme vers toi s’envole
Et suivra toujours.

Dans la tristesse et les alarmes,
Même à son père, hélas! cacher ses larmes!
Pauvre Marie,
Voilà ta vie,
Sitôt flétrie
Par les regrets.

A ma souffrance plus de trêve,
Si Dieu m’enlève
Mon bien-aimé.

Pleur es silence,
C
œur sans défense,
A l’esperance
Sitôt fermé.



Scène troisième
Marie, Nelly


Nelly
(accourant avec effroi)
Les Anglais!

Marie
Ciel!

Nelly
Ils cernent le château!
Ah! comment échapper à ce péril nouveau?

Marie
Et mon père?

Nelly
Silence! et reprenez courage.
Il a déjà gagné l’autre rivage.

Marie
Merci, mon Dieu! Mais le roi! mais le roi!..

Nelly
Peine de mort qui veut le soustraire
Au sort que lui réserve Édouard d’Angleterre.
Personne n’oserait...

Marie
Viens! je l’oserai, moi!
(elle se dirige vers l’appartement du roi)

(Des soldats anglais paraissent dans la galerie du fond.)

Nelly
(arrêtant Marie)
Trop tard!

(Les Anglais, sur l’ordre d’Arthur qui les accompagne, poursuivent leur marche dans la galerie. Arthur entre.)



Scène quatrième
Marie, Nelly, Arthur


Marie
Arthur!

Arthur
Marie! avec colère
Pourquoi me regarder ainsi?
S’il n’eût fallu sauver les jours de votre père,
Vous ne me verriez pas ici.

Marie
Se peut-il?

Arthur
Oui, Douglas verra comment se venge
Celui qu’il outragea. Conduisez-moi vers lui.

Marie
(avec embarras)
Vers lui?..

Arthur
Vous hésitez...

Marie
Ce généraux appui...

Arthur
Le refuserait-il?

Marie
Et son erreur étrange,
Peut-être, par fierté...

Arthur
Seule avec lord Douglas quittez donc ce domaine.
- Je ne le verrai pas. – La barque qui m’amène
l’autre bord du lac l’aura bientôt porté.
Moi, d’un autre côté
De Morton qui me suit je tromperai la haine.

Marie
Soyez béni!
(avec tristesse)
Et quand j’aurai sauvé
Grâce à vous, ce proscrit dont la vie est si chère,
Instruit par moi, mon père
Saura ce que pour nous sir Arthur a bravé.

(Arthur sort)



Scène cinquième
Marie, Nelly puis Bruce


Nelly
Ce moyen de salut qu’il vous donne lui-même...

Marie
(vivement)
Nelly veille au dehors.

Nelly
Le péril est extrême.
(Nelly s’eloigne)

(Marie se précipite vers l’appartement du roi. Bruce paraît.)

Marie
Venez, sire, apprenez...

Bruce
Je sais tout.

Marie
Trompant celui que j’aime,
Je sauverai le roi.


DUO

Bruce
Ah! sois fier de ta fille!
Douglas, c’est ta famille
Dont le noble secours
Sauva deux fois mes jours.

A toi je songe, ô ma patrie!
O mon pays, mon Écosse chérie!
Que Dieu protége ici ton roi;
Je veux combattre encour pour toi.

Marie
Ah! sire, par grâce,
Fuyez, l’heure passe.
D’effroi mon sang se glace,
Les moments sont comptés,
Partez, hélas! partez.

Heure d’angoisse, heure suprême!
Je réponds de votre sort.
Ah! pour mon père, ah! pour moi, pour vous-même,
Partez. – Bientôt ici sera la mort.
Venez!

Bruce
Que moi j’expose
Vos jours!

Marie
Pour votre cause
Que le ciel en dispose!
Oui, pour vous sauver,
Je veux tout braver.

Je dois, faible femme,
Veiller sur vos jours,
Oui, je bannis tout effroi de mon âme,
L’audace m’exalte et m’enflamme.
Que le ciel me prête secours.

Bruce
Adieu, noble femme!
Au fond de mon âme
Se grave à jamais ton secours.
Mon Dieu! c’est la faveur que de toi je réclame,
Bénis la main qui sauve ici mes jours.

Marie
(avec angoisse)
Partez, le temps presse,
Quittez ce château.

Bruce
Robert! fuir sans cesse!
Funeste détresse!

Marie
(offrant à Bruce un manteau qu’elle a pris sur la table)
Prenez ce manteau!

Bruce
O mon Dieu, je t’implore,
Que je meure en soldat!
Jusqu’au jour du combat
Laisse-moi vivre encore.
(il s’enveloppe dans le manteau)

Marie
Je dois, faible femme,
Veiller sur vos jours.
Oui, je bannis tout effroi de mon âme
L’audace m’exalte et m’enflamme,
Que le ciel me prête secours!

Bruce
Adieu, noble femme!
Au fond de mon âme
Se grave à jamais ton secours.
Mon Dieu! c’est la faveur que de toi je réclame,
Bénis la main qui sauve ici mes jours.

(Bruce et Marie se dirigent vers la porte du fond; au moment où ils vont sorti, Arthur paraît; il est pâle et tremblant d’émotion)



Scène sixième
Bruce, Marie, Arthur


Marie
Arthur!

Arthur
(à part)
On ne m’abusait pas.
(après un long silence, pendant lequel il tient constamment les yeux attachés sur Marie)
Quand j’exposais mes jours pour sauver votre père,
Il était déjà loin, Vous le saviez!

Marie
(à part)
Hélas!
Que lui dire?

Arthur
Pourquoi m’en avoir fait mystère?
Qui vouliez-vous sauver? – Vous ne répondez pas!


TRIO

Bruce
Jour funeste! mon Dieu! j’appelle
Les dangers et la mort sur elle.
Hélas! je perds qui m’est fidèle,
Je l’entraîne dans mon malheur.

Arthur
Jour funeste! qui me révèle
De son âme l’ardeur nouvelle.
Oui, son crime se décèle
Dans sa pâleur.

Marie
Jour funeste! tout se révèle,
De fureur son
œil étincelle.
ah! je succombe, je chancelle,
Son regards me fait peur.

Arthur
Vous me tromper! dans quel espoir?

Marie
Pour accomplir un saint devoir.

Arthur
Oui, je comprends, je divine,
Cet époux qu’on vous destine,
Ce rival odieux,
(monstrant Robert)
C’est lui!

Marie
Ciel! n’allez pas...

Arthur
Tout le dit, sa présence,
Votre effroi, son silence
Et ces tendres adieux
Que j’ai surpris...

Marie
Arthur! ma voix qui vous supplie
Doit bannir votre erreur.

Arthur
Amour! ô jalousie!
Vous déchirez mon c
œur.
(à Robert)
Suis-moi, j’aurai ta vie.
Ou ton sang ou le mien!

Bruce
Un seul instant..

Arthur
Non, je n’écoute rien.

Bruce
(montrant Marie)
Pour moi sa bienfaisance...

Arthur
(avec une fureur toujours croissante)
Viens, viens, ou sa présence
N’arrête plus mon bras,
Je te frappe à ses yeux!

Marie
(saisissant un poignard au ceinturon d’Arthur, et se jetant devant Bruce comme pour lui faire un rempart de son corps.)
(à Arthur)
Ne m’écoutez donc pas.
N’obéissez qu’à la colère;
Mais par les mânes de ma mère,
Par ce Dieu que j’aime et révère,
Vers lui si vous faites un pas...
(avec énergie)
Vous aurez voulu mon trépas.

Arthur
(avec déspoir)
Oh! ciel! vous l’aimez donc!

(Un silence, après lequel Arthur reprend avec un calme douloureux)

Eh bien!
Votre bonheur, Marie, est au-dessus du mien.
Si ce rival, qui tombe en ma puissance,
Remplace en votre c
œur l’ami de votre enfance,
De la mort votre amour saura la préserver.
Que dois-je faire? – Un seul mot...

Marie
Le sauver!

Arthur
Enfin, de ton amour ce mot contient l’aveu!

Bruce
Elle se perd pour moi! plutôt mourir, mon Dieu!

Arthur
(éclatant)
Dieu te maudisse!
Qu’il te punisse!

Bruce
O dévoûment! ô sacrifice!

Arthur
Je te fuis, dès ce jour,
Je te fuis sans retour,
Mais pour mourir de mon amour.

Bruce
Noble fille! à mon tour.
Plutôt perdre le jour,
Car tu mourrais de ton amour.

Marie
S’il me fuit sans retour,
Mon tombeau quelque jour
Lui parlera de mon amour.

Arthur
Briser ce c
œur qui vous adore!

Bruce
(à part)
Je dois me taire, affreux combats!

Arthur
Et ce matin vous me juriez encore...
Vous mentiez donc?..

Marie
Ne m’interrogez pas.

Arthur
Dieu te maudisse!
Qu’il te punisse!
Je te fuis, dès ce jour,
Je te fuis sans retour,
Mais pour mourir de mon amour.

Bruce
Vain sacrifice!
Que je périsse!
Noble fille! à mon tour,
Plutôt perdre le jour,
Car tu mourrais de ton amour.

Marie
Qu’il s’accomplisse
Mon sacrifice!
S’il me fuit sans retour,
Mon tombeau quelque jour
Lui parlera de mon amour.

Arthur
Ingrate, adieu!

Bruce
Restez.

Marie
Qu’allez-vous faire?

Bruce
La mort, je la préfere,
Non, je n’accepte pas un pareil dévoument.
(à Arthur)
Disparaisse l’amant!
Je suis le roi proscrit!

Arthur
Qu’entends-je!
Vous, Robert!

Bruce
(montrant Marie)
Je la venge
De vous soupçons.

Arthur
Et moi
Qui l’outrageais!
(à Marie)
Pardon!

Bruce
(à Arthur)
Maintenant de ma tête.
Vous pouvez disposer.

Arthur
Sire! la barque est prête,
Partez!

Marie
(avec joie)
Ah!




Scène septième
Les précédents, Morton, avec des soldats anglais.


Morton
(apercevant Bruce, qu’il reconnait)
Robert Bruce!

Marie
Oh! ciel!

Morton
Au nom du roi,
Robert, je vous arrête.

Arthur
Robert en liberté
S’éloignera d’ici.

Morton
Le laisser...

Arthur
Je l’ordonne.
Oui, dans sa loyauté,
A mon honneur il s’abbandonne;
Il sera respecté.

Morton
Saisisser-le, soldats,
A moi.

Arthur
N’approchez pas.

Morton
Quand d’Édouard, par vous, l’espérance est trompée,
Je ne reconnais plus sur moi votre pouvoir.

Arthur
(il se place devant Bruce l’épée à la main)
Tu connaîtras du moins celui de mon épée.

Bruce
(tirant son épée)
Je vendrai cher ma vie!

(Ils sont près d’en venir aux mains, des trompettes résonnent au loin.)

Marie
Écoutez.

Bruce
Quel espoir!
Cette marche guerriére...

Marie
(avec transport)
C’est Douglas! c’est mon père!

Bruce
Encor Douglas le noir!

Les anglais
Votre salut est dans la fuite.

Morton
Mais Édouard saura l’indigne trahison.

Arthur
A mon roi, de ma conduite
Je rendrai toujours raison.

Morton et Les anglais
Bientôt d’un traître
Qu’il va connaître
Le roi ton maître
Aura raison
Il punira la trahison.

(Morton sort précipitamment avec ses soldats)



Scène huitième
Bruce, Arthur, Marie; Douglas entrant suivi de plusieurs chefs de clans


Douglas
(avec joie, apercevant Robert)
Sauvé!

Bruce
(montrant Arthur)
Par lui!

Douglas
Par lui!
(tendent la main à Arthur)
Ta main! – Avec nous reste,
Et ma fille est à toi.

Arthur
(avec transport)
Moi l’époux de Marie! –
(tristement)
Ah! ce bonheur céleste,
Il n’est pas fait pour moi,
Non, je ne puis...

Marie
Espérance dernière!

Arthur
Armè par Édouard, des ses bienfaits comblé,
Je ne puis le trahir.

Marie
Il part.

Arthur
Sous sa banniére,
Par l’homme je suis rappelé.

Bruce
Ah! pour m’avoir sauvé crains tout de sa furie!

Marie
(à part, épouvantée)
Que dit-il? Si la mort!..

Arthur
Regretté d’un héros, d’un père, de Marie,
Je puis braver le sort.

Bruce
Pars donc, puisqu’un serment t’enchaîne;
Mais que du moins dans les combats,
Le fer de l’un de nous ne te rencontre pas.
(détachant la branche de chêne du casque déposé sur la table)
Sur ton cimier placé, que ce rameau de chêne,
Talisman respecté, te sauve de nos coups,
Il te rendra sacré pour nous.
(après avoir remis la branche de chêne à Arthur qui s’incline)

FINAL

La guerre sans trêve
A notre oppresseur,
Mais tombe la glaive
Devant mon sauveur.

Arthur
O fleur de ma vie,
Que Dieu m’a ravie,
Ma chère Marie,
Reçois mon adieu.

Marie
Pars; mais si la vie
Doit t’être ravie,
Avec toi Marie
S’envole vers Dieu.

Bruce, Douglas et Les chefs de clan
Qu’il parte! mais puisse
Son roi pardonner
Le noble service
Qu’il doit condamner.

Arthur
O fleur de ma vie,
Que Dieu m’a ravie,
Ma chère Marie,
Reçois mon triste adieu.

Marie
Pars; mais si la vie
Doit t’être ravie,
Avec toi Marie
S’envole vers Dieu.


(Arthur sort)

Douglas
Vous, sire montrez-vous, pour recevoir la foi
Des clans prêts à venger notre Écosse opprimée,
Prêts à mourir pour leur roi.

Bruce
Ai-je encor un soldat?

Douglas
Vous avez une armée.

(Ils sortent)






Le théâtre représente un site voisin du château de Douglas. Les rochers en amphitéâtre sont couverts de soldats et de highlanders armés de haches et de piques et portant des bannières aux couleurs et aux armes des divers clans. Un groupe de bardes guerriers vêtus de blanc, cuirassés de mailles de fer, la hache pendure à la ceinture, et le front ceint de chêne et de verveine, s’avance, tenant à la main des harpes d’or.


Scène neuvième
Bards guerriers, montagnards, Nelly, femmes écossaises; plus tard Bruce, Douglas et Marie


Les Bardes
Que l’hymne du barde
Enflamme ton c
œur!
Fingal te regarde,
Guerrier, sois vainqueur!

Saisis te claymore,
Combats avec foi,
Guerrier, verse encore
Ton sang pour ton roi.

Que l’hymne du barde
Enflamme ton c
œur!
Fingal te regarde,
Guerrier, sois vainqueur!

Les femmes
Sauvez vos compagnes
Du fer de l’Anglais.
Que dans nos montagnes
Renaisse la paix!

Les bardes et les femmes
Saisis te claymore,
Combats avec foi,
Guerrier, verse encore
Ton sang pour ton roi.


(Bruce entre accompagné de Douglas et de Marie et suivi des chevaliers écossais en costume de guerre; les bannières s’agitent; mouvement général d’enthousiasme.)

Bruce
Amis! gloire, hommage,
Au noble courage
D’un peuple indompté...

Tous
Salut! gloire! hommage
Au roi d’Écosse, au guerrier redouté.

Douglas
Montrons-nous encore
Dignes enfants des nos aïeux.

Bruce
Pour nous luit l’aurore
D’un jour glorieux.
Mon espoir en vous réside:
Suivez-moi, peuple intrépide,
Aux combats mon bras
Vous guide;
La victoire ou le trépas!

Les guerriers
Noire espoir en lui réside,
Aux combats son bras nous guide
La victoire ou le trépas!

Les femmes
Sauvez vos compagnes
Du fer de l’Anglais;
Que dans nos montagnes
Renaisse la paix!

Les bardes
Que l’hymne du barde
Enflamme ton c
œur!
Fingal te regarde,
Guerrier, sois vainqueur!

(Tableaux général. L’armée écoissaise agite ses armes et mêle son cri de guerre au chant des bardes. Les chevaliers et les seigneurs bannerets tirent leurs épées et jurent de mourir pour le roi d’Écosse.)



3. Akt Zurück zu: Libretto

Atto terzo ritorna a libretto



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© DRG, 13. September 2001