Une gorge
de montagne étroite et sombre dominée par le châteu
de Stirling, bâti sur un rocher à pic. Il fait nuit.
Scène
première
Bruce seul
Bruce
Oui, demain lÉcossais, libre, essuyant ses pleurs,
Au sein de sa famille oubliera ses malheurs,
Moi je fus père aussi! quel souvenir funeste!
Mes enfants! les bourreaux les ont tout égorgés!
O vous que jai perdus, quand vous serez vengés,
Nous retrouverons dans le séjour céleste!
ROMANCE
Anges sur moi penchés,
Dieu joint les curs
fidèles!
Ombres qui me cherchez,
Pliez vos ailes!
Mes doux trésors cachés
Au sein des nuits mortelles,
Vos pleurs seront séchés
Par les mains paternelles.
Ombres qui me cherchez,
Pliez vos ailes!
Scène
deuxième
Bruce, Douglas, Dickson, une troupe de zingari et de jongleurs.
Douglas
(à Bruce, lui montrant au pied des remparts lentrée
dun souterrain cachée par un rocher)
Cette route souterraine,
A la porte du Nord vous conduira sans peine.
Parmi ces bohémiens dans la place introduit,
Dickson, par force ou par adresse,
Nous y fera pénétrer cette nuit.
Bruce
Au péril de ses jours.
Dickson
Quimporte!
Douglas
A minuit.
Dickson
A minuit.
Bruce
Que veux-tu pour signal?
Douglas
Que ce chêne embrasé nous serve de fanal.
(Dickson séloigne
avec les bohémiens)
Scène
troisième
Bruce, Douglas, chevaliers, montagnards et soldats écoissais
Les chevaliers et les
montagnards
Point de bruit,
Armons-nous en silence.
Cette nuit
Nous promet la vengeance.
Le pur sang
De nos fils coule encore,
Bénissant
Les vengeurs quil implore.
Le flambeau
De la mort nous éclaire;
Au bourreau
Qui tapporte la guerre,
Noble terre,
Ouvre enfin un tombeau!
(Pendant ce chur,
plusiers troupes de soldat écoissais passent en silence au pied
du roc sur lequel sélève le château. Bruce leur
indique les différentes directions quils doivent prendre,
puis il sort avec Douglas, à la tête des chevaliers et des
montagnards.)
Le théâtre
représente une salle construite pour la fête dans la cour
darmes du château de Stirling.
Scène
quatrième
Le roi dÉdouard et ses chevaliers savancent, la coupe
à la main; des pages leur versent à boire. Des dames de
la cour sont assises
et regardent la danse des bohémiens appelés à la
fête, et parmi lesquels Dickson sest introduit.
Le fond de la salle est fermé dans toute sa largeur par une riche
draperie armoriée.
Les chevaliers Bouvons, bouvons, il faut saisir,
Amis, les heures du plaisir;
Livresse
Caresse,
Ranime le désir.
Fêtons lamour,
chantons en chur,
Du vin versé que la liqueur
Ecume
Et fume
Aux coupes du vainqueur!
Palais brumeux, nuages
Où Fingal dort au ciel,
A nous vos doux breuvages
De nectar et de miel!
Édouard
Jabdique ici; jusquà laurore,
Le plaisir seul est roi.
Que la beauté soumette encore
Les vainqueurs à sa loi!
Lorsque la guerre prend nos
jours,
Gardons les nuits pour les amours!
Les chevaliers Bouvons, bouvons, il faut saisir,
Amis, les heures du plaisir;
Livresse
Caresse,
Ranime le désir.
Fêtons lamour,
chantons en chur,
Du vin versé que la liqueur
Ecume
Et fume
Aux coupes du vainqueur!
BALLET
Scène
cinquième
Les précédents, Morton, puis Arthur
Morton
(interrompant les danses)
Sire! les Écoissais partout prennet les armes.
Tous
(excepté Édouard)
Les Écoissais!
Édouard
Pourqoui ce cri dalarmes?
De les vaincre demain il sera temps encor.
Emplissez dhydromel, pages, nos coupes dor.
Morton
Du château de Douglas, je metais rendu maître...
Édouard
Eh bien?
Morton
Robert Bruce, peut-être,
En mon pouvoir serait tombé.
Tous
Robert Bruce!
Morton
Oui, mais un traître
A nos mains la dérobé.
Édouard
Ah! qui donc la sauvé?
Arthur
(paraissant)
Cest moi!
Édouard
Toi! misérable!
Arthur
Il était sans défense, innocent ou coupable.
Je ne lai pas livré, mais je tiens mon serment,
Et reviens ici vaincre ou mourir à mon rang.
Édouard
Ou, tu mourras, mais non dune mort quon envie
Quon le désarme!
(Un officier des gardes
savance auprès dArthur, qui tire son épée
pour la lui remettre.)
A moi!
(prenant lépée)
Je tavais confié
Cette épée aujourdhui par ton crime avilie...
Le bourreau brisera ton blason et ta vie.
Comme je brise ici ton honneur sous mon pié.
(il brise lépée et la jette à terre)
Les chevaliers Du traître quil soit fait justice!
Édouard
Que sous la hache à linstant il périsse!
(Les gardes savancent;
au milieu du mouvement, un cri se fait entendre, une femme perce la foule;
cest Marie.)
Scène
sixième
Les précédents, Marie, Nelly
Marie
Arrêtez!
Arthur
Ah!
Marie
Cest moi,
Moi qui suis sa complice!
(à Arthur)
Navais-je pas juré de mourir avec toi?
SEXTUOR
Puisquun destin barbare
A jamais nous sépare,
La mort qui se prépare
A toi saura munir.
Arthur
(au roi)
Dun dévoument sublime
Ne la rends pas victime!
Sa mort serait un crime,
Cest moi quil faut punir.
Nelly
Ciel! tout mon cur
frissonne!
La mort les environne.
Ah! que le roi pardonne,
Il se fera bénir.
Édouard
Ah! ma vengeance est belle!
Tremble! Douglas rebelle!
Mon bras tombant sur elle,
Cest toi quil va punir.
Quà la mort on
le conduise!
Et quà jamais son nom soit en horreur.
Son blason, quon le détruise,
Oui, sur linfame il faut le déshonneur.
Marie
Le deshonneur!
Viens! barbare, prends sa
vie
Prends la mienne, sers ta fureur!
Mais la honte, mais linfamie
Est au lâche, à loppresseur!
A frapper ton bras sapprête,
Mais redoute la tempête,
Je lappelle sur ta tête!
Oui, sur toi honte et malheur!
Tous
Justice! justice!
Marie
Je brave le supplice,
Arthur est près de moi,
Le ciel dans sa justice
Nous vengera sur toi.
Édouard
Courez! quun prompt supplice
Soldats! fasse justice,
Au traître, à sa complice,
La mort! Vengez le roi.
Arthur
Mon Dieu! que saccomplisse
Larrêt de mon supplice,
Mais seul que je périsse;
Oui, ne frappez que moi.
(Les soldats entraînent
Arthur. Marie se précipite dans ses bras. Des trompettes résomnent
au dehors.)
Morton
Les Écoissais!
Marie
(à Édouard)
Tremble à ton tour, bourreau!
Cest le signal! Robert est maître du château.
Édouard
Robert! vaines alarmes!
Nous le vaincrons ici.
Aux armes!
Marie
Trop tard! le voici!
(Le draperie du fond souvre,
et lon aperçoit le rempart de la forteresse éclairée
par un incendie.)
Scène
septième
Les assiégeants montent aux créneaux. Morton apporte au
roi un épée, les chevaliers cherchent leurs armes, les
femmes courent avec effroi.
La porte de la muraille tombe sous la hache des assaillants, qui font
irruption au milieu du tumulte.
Bruce et Douglas entrent lépée à la main,
suivis par les bardes et les chevaliers écoissais portant des
bannières.
Les murs se couvrent de soldats et de montagnards avec des flambeaux.
Marie tombe dans les bras de son père.
Bruce
Victoire!
Quelques soldats écoissais (montrant Édouard)
Mort au bourreau!
Arthur
(se jette entre les soldats, et le roi, étendant la branche
de chêne que Bruce lui a donnée comme un talisman)
Respectez ce rameau!
Bruce
(à Édouard)
Du roi dÉcosse enfin reconnais la puissance.