Acte troisème

Scène 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15


 




Le théâtre représente, dans le fond à gauche, le château de Saint-Edmond. Sur les premiers plans à droite, les barrières de la lice.
Il fait encore nuit.



Scène première
Avant le lever du rideau, on entend une marche militaire. Malvoisin, chevaliers, hommes d’armes.



Malvoisin
Hommes d’armes, occupez les avenues qui mènent au champ-clos. Repoussez tout Saxon qui voudrait en approcher, et éloignez-en surtout ce musulman que votre coupable négligence a laissé pénetrér dans la salle du juegement.
(il entre dans la lice)



Scène deuxième

Chœur de chevaliers


Chœur
Faisons silence ;
Me voyez-vous ?
Avec prudence,
Observons tous.
Chassons l’audacieux,
S’il vient encor souiller ces lieux !
(ils sortent)



Scène troisème
Ivanhoé

Ivanhoé
(enveloppé dans un manteau)
Voici le château de St.-Edmond ! C’est ici sans doute que Boisguilbert retient Léila captive ; mais comment lui arracher sa proie ? Ah ! si je n’ai pu la défendre sur nos rempart, malgré ma blessure, je me sens la force de combattre pour la sauver. Je suis parvenu à me soustraire à la surveillance de mon père ; il arme ses vassaux pour demander raison de son injure ; mais pouvais-je attendre patiemment ces long apprêts ? C’est à moi de défier et de punir Boisguilbert !... Hélas ! je suis sans armes ! la barbare prévoyance de Cédric n’a rien négligé !.. Que vois je ? Ismaël ! peut-être pourra-t-il me procurer ce que je désire.



Scène quatrième
Ivanhoé, Ismaël



Ivanhoé
Ismaël !

Ismaël
Je ne me trompe pas, c’est ce généraux chevalier ! le ciel l’envoie pour sauver Léila ! Ah ! ma fille ! ma pauvre fille !

Ivanhoé
Tu l’as vue ?

Ismaël
Hélas ! seigneur, les barbares l’ont condamnée à mort.

Ivanhoé
Et quel prétexte a pu donner lieu... ?

Ismaël
Ils l’accusent de trahison. Ah ! seigneur, je n’ai plus d’espoir qu’en vous.

Ivanhoé
Parle, que dois-je faire ?

Ismaël
Un paysan, touché de mes pleurs, m’a dit que si un chevalier combattait pour elle, et était vainqueur, l’arrêt serait cassé.

Ivanhoé
Ô bonheur !.. Mais je suis sans armes.

Ismaël
Quoi vous consentirez... Ah ! je puis vous en procurer. Mais l’heure s’avance. Venez !..




Scène cinquième
Malvoisin, Thierry, hommes d’armes


Malvoisin
(dans le fond)
N’est ce point Ivanhoé que j’aperçois ? Viendrait-il combattre pour Léila ?
(haut)
Thierry, assurez-vous de ces deux fugitifs, la trève est expirée... L’heure fatale approche. J’attends ici Boisguilbert ; faisons un dernier effort pour affermir son courage... Mais je le vois qui s’avance... il semble plus agité que jamais.




Scène sixième

Malvoisin, Boisguilbert


Boisguilbert
Malvoisin, vous êtes mon ami. Je veux sauver Léila ; il faut que vous m’aidez à favoriser son évasion.

Malvoisin
Que me proposez-vous ? Toutes les issues ne sont-elles pas gardées par des hommes d’armes dévoués à Beaumanoir ? Pourquoi, par une tentative infructueuse, lui donner des armes contre vous ? Je plains votre égarement ; mais s’il pardonne à l’erreur, il punirait le crime... Ne sacrifiez pas votre rang, vos espérances à une folle passion, au désir insensé de sauver une infidéle qui vous préfère un Saxon.

Boisguilbert
L’ingrate ! Mais si je la laisse sans défense, personne ne voudra se déclarer son protecteur.

Malvoisin
Souhaitez-le, loin de vous en plaindre. Si aucun chevalier ne ramasse le gant, vous n’aurez contribué en rien à sa mort. Couvert de vos armes, vous n’êtes qu’un simple spectateur.

Boisguilbert
Le sort en est jeté, Malvoisin ; je reprends toute ma fermeté. D’ailleurs ne m’a-t-elle pas rebuté, méprisé, accablé de dédains et d’outrages ? Pourquoi lui sacrifierais-je tout ce que j’ai plus cher au monde ? Oui, vous me verrez dans la lice.

Malvoisin
Ah ! vous me rendez la vie ! Mais rentrons, la cloche annonce le cortège funèbre.
(il rentre dans le château)

Boisguilbert
Ciel !



Scène septième
Boisguilbert, seul



Boisguilbert
Combat terrible ! ah ! que résoudre ?
A son affreux destin dois-je l’abbandoner ?
Non, non, c’est mon amour qui t’a fait condamner,
C’est mon glaive qui doit t’absoudre.

Ah ! de quel souvenir mon cœur est déchiré ;
Je dois paraître dans la lice !
Qui moi ! vainqueur, je l’envoie au supplice,
Vaincu, je suis déshonoré !

N’importe, cède aux vœux d’un amant égaré ;
Et mon bras t’enlève à leur rage ;
Mais d’un refus épargne-moi l’outrage.

Mon amour te plongea dans l’abîme,
De l’abîme il saura t’arracher ;
Et cédant aux reords de son crime,
Renverser cet indigne bûcher !
Ah ! pardonne, innocente victime,
Que ton âme se laisse toucher !


Scène huitième

Boisguilbert, chœur de chevaliers.


Chœur
Avançons ; au chagrin qui l’opprime,
Chevaliers, il faut l’arracher.

Boisguilbert
(à part)
Horrible soufrance !

Chœur
Sauver-nous, commandeur, et combattez pour nous

Boisguilbert
(à part)
Je sens s’allumer mon courroux !
Renoncez à cette espérance !

Chœur
La marche s’avance ;
Venez, commandeur !

Boisguilbert
(à part)
Ô désepoir ! ô fureur !
Quoi ! je céderais comme un traître ?
(haut)
Non, non, vous allez reconnaître
Votre invincible commandeur !

(à part)
À l’heure suprême,
Pour celle que j’aime,
Les fers, la mort même
Je vais tout braver !

Injuste puissance,
Ma terrible lance
De votre vengeance
Saura la sauver !

Chœur
Plein d’espérance
Saisis ta lance,
Et ta vaillance
Va tout braver !



Scène neuvième
Les précédens, Malvoisin, Beaumanoir, Léila, chevaliers, paysans, cortège funèbre


MARCHE

Chœur de femmes
Dieu ! signale ta clémence !
Dieu ! protège l’innocence !

Chœur d’hommes
Dieu confirme la sentence,
Notre arrêt doit s’accomplir.

Chœur de femmes
Déplorable destinée !
L’innocence va périr !

Chœur d’hommes
Par Dieu même condamnée,
L’infidèle va périr !

Malvoisin
(retenant Boisguilbert qui s’avance vers Léila)
Que faites-vous ?

Beaumanoir
Laissez-le, Malvoisin. Dans un appel au jugement de Dieu, tout ce qui peut faire connaître la vérité, doit être permis.

Boisguilbert
(à voix basse, sur le devant de la scène)
Léila, m’entends-tu ?

Léila
Retire-toi, homme cruel !

Boisguilbert
Pense au sort qui t’attend ! Périr de la mort des plus grands criminels, être consumée dans un brasier ardent, réduite en cendres, et dispersée au gré des vents !... Ah ! le cœur d’une femme ne peut soutenir un pareil tableau ; tu céderas à mes prières.

Léila
Jamais.

Boisguilbert
Écoute moi : en dépit d’eux tous, ta vie est encore entre tes mains ; accepte le secours de mon bras, et nous serons bientôt à l’abri de toute poursuite. Qu’ils prononcent leur sentence, je la méprise, qu’ils flétrissent le nom de Boisguilbert, je laverai dans le sang la tache qu’ils oseront faire à mon écusson.

Léila
(se retournant vers ses gardes)
Qu’on me mène au supplice.


La marche recommence ; Léila disparaît au milieu des gardes ; Beaumanoir, Boisguilbert, Malvoisin se disposent à la suivre ; tout-à-coup des cris se font entendre.




Scène dixième
Les précédens, un chevalier, la visière baissée


Le chevalier
Arrêtez ! je suis noble et chevalier ! je viens ici pour soutenir, par la lance et l’épée, la cause de Léila, fille d’Ismaël, pour faire déclare injuste et illégale la sentence rendue contre elle, et pour défier sire Brian de Boisguilbert au combat à outrance, comme traître et meurtrier, ainsi que je le prouverai à l’aide de Dieu et de mon droit.

Malvoisin
(avec humeur)
Il faut d’abord que cet étranger prouve qu’il est de noble lignage, nous ne pouvons permettre à notre champion de combattre inconnu, un homme sans nom.

Le chevalier
(levant sa visière)
Albert de Malvoisin, mon nom est mieux connu, mon lignage est plus pur que le tien. Je suis Wilfrid d’Ivanhoé.

Malvoisin
(surprise)
Ivanhoé !

Ivanhoé
Ta ruse est déjounée, Malvoisin ; et mon père achève d’en punir les coupables instrumens.

Boisguilbert
(d’une voix alterée)
Je ne te combattrait pas, je ne veux pas profiter de ta faiblesse.

Ivanhoé
Orgueilleux Normand, as-tu donc oublié le tournoi de St.-Jean-d’Acre ? Vois si tu pourras recouvrer l’honneur que tu as perdu ? Par saint Georges, si tu refuses de te mesurer avec moi, je te proclamerai comme un lâche dans toutes les cours de l’Europe.

Boisguilbert
(lui lançant un regard farouche)
Eh bien ! oui, j’accepte ton défi ! Prends ta lance, Saxon ; prépare-toi à la mort !

Ivanhoé
Le marquis de Beaumanoir m’octroie-t-il le combat ?

Beaumanoir
Je ne puis le refuser.

Ivanhoé
Je demand le combat à l’istant... C’est le jugement de Dieu, je mets en lui toute ma confiance... Marchons.


(Ils sortent ; on entend des fanfares.)



Scène onzième

Ismaël, seul


Ismaël
Les barbares ! ils m’ont repoussé !.. Ô terrible anxiété !... Pendant le combat, j’ai trouvé le moment de m’echapper ; mais qu’est devenu Ivanhoé ? Aurait-il péri dans la mêlée ?

Fanfares

Ô ciel ! Voilà le funeste signal ! ma fille !.. ma chère fille ! me seras-tu rendue ?.. Pas une personne à qui dévoiler ce fatal secret dont la révélation peut te sauver !




Scène douzième
Ismaël, Cédric, Saxons



Cédric
(dans le fond)
Amis, mon fils doit être en ces lieux ; courons prévenir une lutte inégale.

(On entend crier dans la coulisse : Victoire)

Cédric
Ciel !

Ismaël
(éperdu)
Qu’entends-je ?.. Ah ! seigneur !.. de grâce !.. sauvez ma fille !.. Sauvez la fille de votre ami !

Cédric
Que veux-tu dire ?

Ismaël
Oui, seigneur, la crainte... l’attachement... une douce habitude m’avaient retenu jusqu’ici... Mais il s’agit de sa vie !.. Sachez que Léila, n’est autre que cette jeune Édith, confiée aux soins du vieil Ismaël par votre ancien compagnon d’armes Olric.

Cédric
Ô bonheur ! la fille d’Alfred-le-Grand ! courons, amis !... Mais on vient.


FINAL

Chœur dans la coulisse
Victoire !

Cédric
Qu’entends-je ?

Ismaël
Ô supplice !

Cédric
Cruel moment !



Scène treizème
Les précédens, Ivanhoé, Léila, peuple


Ivanhoé
(conduisant Léila vers Ismaël)
Bénis le ciel propice
Qui t’arrache au trépas !
C’est lui dont la clémence,
Fidèle à l’innocence,
A dirigé ma lance
Et soutenu mon bras.

Ismaël
Ma fille est deilvrée !
Mais quels nouveaux regrets
De mon âme envirée
Viennent troubler la paix.

Léila
Délivrance inespérée !
Je respire, je ranais !

Cédric
(à Ivanhoé)
D’Olric ton bras sauve la fille ;
Wilfrid, Édith, soyez unis !
(à Édith)
Reviens au Dieu de ta famille ;
Ô mes enfans, je vous bénis !

Léila
(à Ismaël)
Ô bonheur ! ô jour prospère !
Viens, ô mon père,
Reste avec nous.

Ivanhoé
Heureux secret ! ô jour prospère !
Ah ! pour mon cœur moment bien doux !
Daignez souscrire aux vœux d’un père :
Oui, mon bonheur dépend de vous ;
Édith, nommez-moi votre époux.




Scène quatorzième
Les précédens, Baumanoir, chevaliers normands



Beaumanoir
Le ciel se déclare !
Respectons ses arrêts.
Le traître a confessé ses forfait.

Chœur
Le ciel se déclare !
Respectons ses arrêts.

Ivanhoé
Pourquoi faut-il qu’un vain nom nous sépare ?
Saxons, Normands, nous sommes tous Anglais !

Chœur
Oui, soyons tous Anglais !




Scène quinzième

Les précédens, Malvoisin


Malvoisin
Notre ennemi s’avance !
Défendez vos foyers !
Amis, je le devance !
Aux armes, chevaliers !

Tous
Chevaliers, courons aux armes !
Renvoyons-leur les alarmes !
Qu’ils craignent nos fers vengeurs !
Voici l’instant de la vengeance ;
Cet instant est cher à nos cœurs !

Beaumanoir et Cédric
Qu’ils tremblent ! la mort nous devance.
Marchons, amis nous reviendrons vainqueurs !

Tous
Vengenace ! amis, courons aux armes !
Punissons-les de nos alarmes !
Marchons, guerriers, nous reviendrons vainqueurs !




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© DRG, 18. März 2001